Alternative au plastique : Le Monde diffuse la tribune des co-fondateurs de Yumi

Source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/13/alternatives-au-plastique-un-surcout-injuste_5331084_3232.html

Alternatives au plastique : « Un surcoût injuste »

Deux entrepreneurs, Raphaël de Taisne et Louis de Bentzmann (co-fondateurs de Yumi, producteur de jus de légumes bio), dans une tribune au « Monde », regrettent que la réglementation actuelle du recyclage des déchets plastique entrave l’usage de nouveaux matériaux moins polluants.

Tribune. Ces dernières années, des alternatives concrètes aux emballages plastique ont été développées, à l’image des bouteilles 100 % végétales et compostables. Si cet engagement éco-responsable représente un coût supplémentaire pour les acteurs qui les choisissent (le matériau utilisé, résidus de canne à sucre, est 70 % plus cher que le plastique traditionnel), l’impact sur l’environnement est sans commune mesure : zéro hydrocarbure, 40 % d’émissions de carbone en moins comparé à des bouteilles plastique standards, et des bouteilles compostables en quatre-vingts jours dans un compost industriel.

Malheureusement, ce type d’initiatives est aujourd’hui freiné en France. Ces bouteilles, meilleures pour la planète, sont frappées d’un malus : la contribution financière liée au recyclage est deux fois plus importante que celle qui concerne le plastique classique. Un surcoût injuste pour ceux qui le subissent, et en contradiction totale avec les engagements du gouvernement actuel.

Une mesure d’autant plus regrettable qu’en France, en 2018, 45 % des bouteilles plastique à base de pétrole ne sont pas recyclées (soit environ 200 000 tonnes par an qui finissent dans la nature) et que, sur les 55 % des bouteilles effectivement recyclées, elles ne le seront en moyenne que deux ou trois fois, avant de terminer incinérées, enfouies, ou tout simplement dans l’océan.

Quatre cents ans à se dégrader

Nous sommes donc en droit d’interroger notre fonctionnement et de réfléchir à de nouveaux modèles. Comme le dit l’adage, ce n’est pas en améliorant la bougie que nous avons inventé l’électricité… Alors pourquoi rester figés sur un modèle qui fait la part belle au plastique, quand des alternatives responsables existent ?

Une bouteille plastique met environ quatre cents ans à se dégrader . Entre 1950 et 2015, nous avons produit plus de 8 milliards de tonnes de plastique. A cette cadence, plus de 12 milliards de tonnes de déchets plastique pourraient se retrouver dans la nature d’ici à 2050. Plus de 1 800 milliards de déchets plastique polluent les océans, allant jusqu’à former un septième continent. Les externalités négatives de la production plastique sont bien connues, alors stop, commençons à penser différemment pour diminuer réellement la production de plastique.

En juillet 2017 , le premier ministre, Edouard Philippe, promettait de « diviser par deux les déchets mis en décharge et de recycler 100 % des plastiques sur tout le territoire d’ici à 2025 ». Une promesse à laquelle le plus grand nombre ne peut qu’adhérer. Ce discours est certes encourageant, mais l’Etat doit inciter les entreprises à faire mieux, plutôt que sanctionner celles qui innovent pour la protection de l’environnement et des consommateurs.

En France, une bouteille végétale, biodégradable et compostable déclenche en effet un malus de 100 % par rapport à son équivalent plastique. Peu de chance, dans ce contexte, de diminuer les usages de plastique dans l’industrie agroalimentaire, et de voir émerger sur le marché des produits plus responsables et plus respectueux de l’environnement.

« Perturbateurs de recyclage »

La raison invoquée par l’Etat et Citeo, l’entreprise agréée pour collecter les éco-contributions, est que ces nouveaux matériaux sont des « perturbateurs de recyclage ». Traduction, les alternatives au plastique dérangent le système conçu… pour le plastique.

Dans ce contexte, la mission de Citeo ferait sourire si le sujet n’était pas si urgent : « Faire progresser le recyclage et accompagner ses entreprises clientes dans la réduction de l’impact environnemental de leurs emballages ». Un pilote de test de collecte est en train d’être mis en place à Paris et des discussions sont en cours avec Citeo et le gouvernement : mais à date, aucun engagement officiel de leur part n’a été pris.

Représentants de la nouvelle génération, qui n’avons plus l’excuse de ne pas savoir , nous refusons de répéter les erreurs des générations passées. A nous de continuer à remettre en cause le modèle établi, et à interpeller ses parties prenantes. Nous attendons des actions concrètes pour valoriser les bio-déchets et, a minima, une réécriture de la grille de malus (voire de bonus ?) appliquée par le gouvernement actuel.